<< Page précédente

MUSIQUE >> ANALYSES d'Oeuvres

>> CHANSON : "Aquéli mountagno" ou encore "Se Canto"

 

ÉCOUTE

PAROLES

ANALYSE

TÉLÉCHARGEMENTS

 

Cette chanson est sans doute la plus connue de toutes les chansons d'Occitanie.

Il existe un grand nombre de versions différentes de cette chanson populaire, dans chaque région de France, voir de l'étranger.

Cette chanson fait partie des mélodies que l'on fredonne lors d'une veillée familiale, entre amis ou au travail et qui connaissent souvent des multitudes de variantes ; chaque village, chaque interprète donnant la version de son cru, changeant un mot, une phrase, voire un couplet... Aussi la mention du lieu où la chanson a été recueillie est-elle d'importance : elle a la modestie d'un inventaire.

Voici d'abord les différents titres que l'on peut trouver : (désignant la même chanson bien sûr !)
>> Se canto ; Se chanto ; Se canta ; Si canti ; Aquéli mountagno ; Aquelos mountagnos ; Aqueras montanhas ; Aqueres montanhes ; Aquéres mountagnes ; Aqueres mountines ; Al founs de la prado ; Aval dins la prado ; Lou pastre ; Las mountagnos ; Consou noubialo ; Ardescha ; "À la font de Nime", "La Cantsou de Gastoun Phoebus", ...

Puis les paroles :

PS : Depuis des siècles, une question divise les populations occitanes : l'oiseau chante-t-il pour la mie du locuteur parce qu'elle est loin de ce dernier, ou au contraire proche de lui. Toutes les variantes du texte du refrain sont dues à cela. Mais bon, l'important n'est-il pas, en définitive,


Il existe aussi de nombreuses chansons qui utilisent la mélodie de ce chant :

Graphie mistralienne :

Traduction en français :

REFRIN :
Sian li Suço-Raco

Sian li Pipo-moust
Se l'aigo nous taco
Es qu'a pas bon goust.

COUBLET N°1 :
Sus mi jouino bouco
Quand m'an bateja
O jus de la souco
Coulerès deja !

COUBLET N°2 :
Urous d'èstre au mounde,
De tu, sang di vièi,
Sènso que m'abounde
M'embuguère pièi.

COUBLET N°3 :
O jus de la triho,
Toun goust me plai tant,
Que pèr la boutiho
Laisse tout en plan.

COUBLET N°4 :
E tout, dins iéu, t'amo
Quand beve un chiquet,
M'alumès de flamo
Au found di quinquet.

COUBLET N°5 :
Gares la pepido,
E nous fas raiva.
Es roso la vido
Quand l'on t'a chourla.

COUBLET N°6 :
Colo dins moun vèire,
E dins moun gavai,
Rèn que de te vèire
Iéu devene gai.

COUBLET N°7 :
Rigolo e cascaio,
Clar e pur toujour,
Fas trouva la draio
Di pantai d'amour.

COUBLET N°8 :
O bevèndo sano,
Tu que fas pas mau,
Saras ma tisano
Quand sarai malaut.

COUBLET N°9 :
Mai, pèr la Graviero,
Quand iéu partirai,
I'a que tu sus terro
Que regretarai.

NB : "La Graviero", coumo Gaudissa, èro l'autre noum dou quartié dou cementèri.

REFRAIN :
Nous sommes les
Nous sommes les
Si l'eau nous dégoûte,
C'est qu'elle n'a pas bon goût.

COUPLET N°1 :
Sur mes jeunes lèvres,
Quand ils m'ont baptisé,
Ô jus de raisin,
Tu coulais déjà !

COUPLET N°2 :
Heureux d'être au monde,
De toi, sang des ancêtres,
Sans que je m'ennivre,
Je m'imbibais déjà sans excès.

COUPLET N°3 :
Ô jus de la treille,
Ton goût me plais tant,
Que pour la bouteille,
Je laisse tout en plan.

COUPLET N°4 :
Et tout, en moi, t'aime,
Quand je bois un
M
Au fond des .

COUPLET N°5 :
G
Et nous fait rêver.
La vie est rose
Quand on t'a fait boire.

COUPLET N°6 :
Il coule dans mon verre
Et dans mon gosier ;
Rien que de te voir,
Moi je deviens gai.

COUPLET N°7 :
Il ruisselle et gazouille,
Clair et pur toujours,
Tu fais trouver la voie
Des rêves d'amour.

COUPLET N°8 :
Ô boisson saine,
Toi qui ne fais pas mal,
Tu seras ma tisane
Quand je serai malade.

COUPLET N°9 :
Mais par le cimetière de la Gravière,
Quand je partirai,
Il n'y a que toi sur Terre
Que je regretterai.

Pour nous écrire : >> N'hésitez pas à nous écrire si vous connaissez encore d'autres versions !


[Remonter]


ANALYSE proposée par Thibaut PLANTEVIN :

Origine :

Cette chanson d'amour est d'origine béarnaise. Une légende prétend que son auteur en serait Gaston III, Comte de Foix et vicomte de Béarn depuis 1343, dit Gaston PHOEBUS (30/04/1331-01/08/1391), surnom de Phébus (soleil) choisi pour illustrer sa blondeur et son désir de puissance. C'était un homme d'État puissant et indépendant. C'était aussi un homme très cultivé, un mécène entouré d'une brillante cour, passionné de chasse et... de femmes. Dans le premier volume de son recueil, CANTELOUBE émet l'hypothèse que ce grand seigneur aurait composé ce chant en l'honneur d'Agnès de Navarre, qu'il épousa en 1349. Et on dit que c'est sûrement pour se faire pardonner ses nombreuses infidélités qu'il écrivit ce chant destiné à son épouse retirée dans sa famille en Espagne, donc de l'autre côté des Pyrénées, des montagnes.

Ce qui est sûr, c'est que ce chant est antérieur au 15ème siècle : en effet un universitaire de Tübingen a récemment découvert à Erfurt, dans un chartrier des années 1370-1420, une version en souabe (allemand)... La plus identitaire des chansons occitanes serait-elle une chanson populaire européenne ? Vue son évolution actuelle, elle semble en tous cas retrouver ses racines en s'exportant au delà des frontières françaises...

Aux temps de l'épopée du pastel, dans la région de Toulouse, les bateliers qui en faisaient commerce, chantaient cet air et l'ont ainsi colporté, en même temps que leur colorant rare et convoité.

Son implantation en Provence est "très récente" (fin 19ème siècle) (et Damase ARBAUD l'ignore).

Aujourd'hui, elle est le symbole de fraternité entre les peuples de langue d'Oc, de l'Espagne à l'Italie.

NB : L'ouvrage de Louis LAMBERT "Chants et chansons populaires du Languedoc" fait quant à lui la distinction entre le chant pyrénéen, sur l'air duquel on chantait aussi d'autres paroles originaires de Toulouse (intitulées "Sul Pount de Nanto") et une chanson nîmoise ("La Font de Nimes"). L'air de cette dernière, quoique très proche, est différent de celui d'"Aquéli Mountagno". Les paroles nîmoises, qui évoquent les fameux Jardins de la Fontaine, semblent avoir été intégrées à la version provençale du chant béarnais, que l'on appelle d'ailleurs souvent, sur les bords du Rhône, "A la font de Nimes".
Il est plus probable qu'un tel arrangement, ainsi que son entrée dans le répertoire provençal, soit dû au Félibrige. C'est en effet dans le "Cansounié de la Prouvènço adouba pèr l'Escolo parisenco dou Felibrige", collecté et publié en 1901 par les jeunes félibres de Paris - Charles MAURRAS, Frédéric AMOURETTI, Jules RONJAT - qu'on semble trouver pour la première fois ce chant dans une publication provençale. A ce propos, Frédéric MISTRAL avait pris soin d'annoncer cette publication en 1894 dans le numéro 188 de son journal "L'Aioli".
Significativement, "Aquéli Mountagno" paraîtra ensuite dans "L'Armana Prouvençau" de 1904, avec une note signalant qu'il est "tiré du Cansounié de la Prouvenço qui vient de paraître". Ainsi introduite à l'est du Rhône, la chanson y a été définitivement intégrée au cours du XXème siècle grâce à un faisceau d'influences complémentaires... En outre, une version d'Auéli Mountagno se trouve bel et bien dans le recueil "Chante, chante" publié à Lyon en 1940 par l'association Jeune France, et qui circulait alors dans les milieux scouts et dans les chantiers de Jeunesse. Bien évidemment, le programme des groupes folkloriques parachèvera cette adoption.
Dans les pays d'Oc à l'ouest du Rhône (Languedoc toulousain, Gascogne-Béarn), cette chanson est maintenant considérée comme un véritable hymne identitaire et national. Il a même été officialisé dans le Val d'Aran, terroir pyrénéen où l'on parle un dialecte d'Oc mais qui est espagnol et dépend de la Generalitat de Catalogne. Le quatrième couplet fait désormais office de refrain.
Dans tous les cas, cette chanson a aujourd'hui traversé les frontières puisqu'on la retrouve dans de nombreux pays, traduite dans plusieurs langues, avec encore de nouvelles variantes de la mélodie sans doute dues à la déformation inévitable causée par la transmission orale ...

Analyse mélodique :

Tant dans les paroles que dans les mélodies qui sont parvenues jusqu'à nous, on retrouve des constantes qui doivent porter en elles le souvenir de leurs origines, mais, chose curieuse, les textes et les musiques semblent se rattacher à deux sources différentes, comme si deux chansons avaient cohabité avant de s'imprégner l'une de l'autre, pour donner naissance à un foisonnement de versions.
Deux thèmes récurrents nous paraissent pouvoir être dissociés, dans les diverses versions :
- une histoire d'amoureux séparés par des montagnes qui s'abaisseront...
- une autre histoire d'amour portée par le chant d'un oiselet, sous la fenêtre...
Ces thèmes se sont enrichis, notamment celui de l'oiseau que l'on retrouve, au gré des périples du chant, sur le pont de Nantes ou à la fontaine de Nîmes.
Le thème des montagnes se retrouve toujours dans les variantes mélodiques significatives (voir « Aquèras montinas »), tandis que celui de l'oiseau colle systématiquement avec l'air le plus répandu, utilisé pour le refrain.

Prenons l'exemple de la mélodie la plus répandue :

Analyse rythmique et formelle :


[Remonter]


Écoutes comparatives de plusieurs versions de cette chanson :

Cette chanson a été interprétée et/ou enregistrée par plus de 200 chanteurs et groupes musicaux :

  • Dans le Sud-Ouest :
      • Los Gojats del Porti (2024)
      • Joanda (2021)
      • Nadau (19, 201, 2017)
      • Les Gais Rimontais (2012)
      • Oc Cathares et Christian SALÈS (2010)
      • Crestian ALMERGE e lo grop Test (2010)
      • Los d'Endacòm (2009)
      • L'Art à Tatouille (2009 ?)
      • D'joc (2008 ?)
      • Daniel DAUMÀS (2008)
      • Brick à Drac (2007 ?)
      • Eths d'Azu (2007)
      • Goulamas'K (2007, 2010)
      • Lo GESPPE (20 ?)
      • Rosina de Pèira (2004)
      • Philippe VIALARD (2001)
      • Fai lum (1998)
      • Gérard ZUCHETTO et le choeur occitan Rosamonda (1994)
      • Patric (1979, 1993, 2000)
      • Marie ROUANET (1977)
      • Françoise DAGUE (1969)
      • Marcel AMONT (1966)
      • Georges AUBANEL et l'ensemble vocal Arc-en-Ciel (1961)
      • Georges CANTOURNET et son orchestre
      • Pierre SPIERS et son orchestre (1958)
      • Les Voix du Midi (2011)
      • Los Musaïchicos
      • Los Collègas
      • Les Voix du Midi, Chanteurs Pyrénéens de Tarbes
      • Balaguèra
      • Les Mâles du Choeur de Toulouse
      • Lous Gaouyous
      • Chanteurs du Mont-Royal, Daunas de Còr
      • Los de Louzoum
      • La Quinte Sauvage
      • Ensemble Instrumental des Puechs
      • Peña Musica XV de Bodega-Bodega
      • Nombreuses équipes de rugby, et de football , ...
  • En Provence :
      • Corou de Berra (2000 puis 2021 puis 2023)
      • Élodie MINARD (2015)
      • Delphine AGUILERA (2012)
      • Duo CHEOPS
      • Coriandre (2008)
      • Coustadous (2007)
      • Compagnie Miquèu MONTANARO (2002)
      • Jean-Bernard PLANTEVIN (2000)
      • Jan-Nouvè MABELLY (1998)
      • Barcatraille (1997)
      • Flour de Rose
      • Mai Aqui
      • André ANGLADE
      • Crestian e sa pichouno fremo
      • Michèle TORR
      • Stefan MANGANELLI
      • André CHIRON
      • Guy BONNET
  • Dans d'autres régions de France :
    • I Muvrini, Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, Dorothée, André DASSARY, Les Petits Écoliers Chantants de Bondy, Les petits chanteurs de St Laurent (1960), Les petits chanteurs de Notre Dame Maîtrise du petit séminaire de Saint-Pé-de-Bigorre (1961), Les chanteurs de l'école Auvergnate (1962), Chanson Plus Bifluorée, ESSO Sonopresse n°6 (vers 1975), ...
  • Italie (Piémont) :
    • Lou Dalfin, Lou Seriol, Lou Janavel, Simone AIELLO, Arianna ROSELLI, Coro Edelweiss di Torino, ...
  • Espagne (Val d'Aran) : Coro Temuc, Alidé SANS (2013), Lídia PUJOL (2011), Entre 2 Aguas (2011), ...
  • Allemagne : Calabrun (1986), ...
  • Angleterre : The Oxford Trobadors, ...
  • Dans divers projets pédagogiques :
    • Ensemble départemental du Conservatoire des Landes, Petits chanteurs d'Asnières, Chorale des collèges de Mazan, Pernes-les-Fontaines, Monteux, Carpentras (2009), Champigny-sur-Marne (2001), CHAM du collège de Vaison-la-Romaine (2014 et 2017), ...
  • Dans de multiples versions sur Internet : Geoffroy SERRE, Remix, Saxophone, Scouts de l'Estrie au Canada, Version classique, ...
  • Et même quelques élus politiques :
    • Jean LASSALLE (2003) avec Yvette HORNER et Marcel AMONT, François BAYROU (2006), Cécile DUFLOT (2015), Députés de la région Occitanie (2022), Emmanuel MACRON (2022), ...
  • Et aussi : Village Harmony (2011), Mateja MARINKOVIC et l'orchestre de Belgrade, Jacme GAUDAS (écrivain, 2010), Xuân Mai (Vietnam), Eths Bandolets, Les Armagnacs, JA Labourdera, Uruel de Jaca, El Pont d'Arcalis, Chabieras, Lades Neffous, ...
  • + de nombreux collectages anciens...
  • + Dans le film : "Pétrole, pétrole".


[Remonter]


TÉLÉCHARGEMENTS PROPOSÉS :

NB : Pour télécharger les fichiers suivants, il vous faut un mot de passe que vous obtiendrez en nous écrivant à :
Partition :
Mélodie
Choeur (quatuor vocal hommes)
Galoubet
Fichier midi :
Mélodie
Complet
Play-Back

+ Pour en savoir plus :

Pour nous écrire : >> N'hésitez pas à nous faire part de vos remarques ou des informations supplémentaires afin d'améliorer cette analyse...


[Remonter]

Et maintenant, à vous de jouer !

<<< Liste des chansons en langue d'oc

[Sommaire Provence]

© PLANTEVIN.