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MUSIQUE >> Fiches pédagogiques

>> Homenaje a Navarra (1945)
de Joaquín TURINA (1882-1949)

 

Avec l'apparition de Isaac Albniz, Enrique Granados et, plus tard, Manuel de Falla et Joaquín Turina, la musique espagnole réussit à trouver sa propre voix et à rompre la stagnation dans laquelle elle se trouvait pendant la plupart du 19ème siècle. La musique de ces grands compositeurs exprime un nationalisme musical cosmopolite qui combine des éléments de la musique populaire espagnole avec des procédés et techniques provenant du monde esthétique des impressionistes français. Le lyrisme profond et les rythmes de danse caractéristiques de la musique folklorique espagnole (avec prédominance de la musique andalouse) unis aux timbres et harmonies exquis du monde sonore impressioniste donnent à cette musique un attrait irrésistible qui la rendit connue et populaire en très peu de temps et à échelle internationale.

Le fait que ces compositeurs, à l'exception de Joaquín Turina, n'aient pratiquement pas composé de musique de chambre est à l'origine du fait qu'il existe de nombreuses transcriptions pour soliste et piano d'oeuvres originalement composées pour piano, orchestre ou voix. Deux des plus grands violinistes de tous les temps, Fritz Kreisler et Jasha Heifetz, s'avèrent ainsi transcripteurs assidus de pièces courtes qu'ils prenaient comme 'encore' dans leurs concerts. Ni l'un ni l'autre est resté indifférent face au charme que la musique espagnole exerce sur les audiences les plus diverses. Très tôt, Fritz Kreisler, étudiant de composition de Leo Delibes au Conservatoire de Paris, décida augmenter le répertoire pour violon assez restreint en créant de nombreuses compositions (dont quelques-unes attribuées faussement à des compositeurs baroques), cadences, adaptations et transcriptions. Parmi ses nombreuses transcriptions se trouvent plusieurs oeuvres de compositeurs espagnols: ainsi le Tango op.165 no. 2, pièce écrite originalement pour piano seul, qui se fit connaître aussi par une adaptation pour piano rechargée de Leopold Godowsky, fait partie de la collection "Six feuilles d'album", et malgré son nom (le tango argentin est bien postérieur), il s'agit là d'une habanera délicieuse et séduisante. La Danza española no. 5, connue aussi comme "andaluza" ou "playera", fait partie de la collection de "Douze danses espagnoles" que Enrique Granados écrivit pour piano, la danse et le chant se relayant dans une ambiance entre langueur et drame. Le drame lyrique en deux actes "La vida breve" de Manuel de Falla fut terminé en 1905 et présenté, après de nombreux avatars, à Nice en 1913. Des deux danses se trouvant au deuxième acte, Kreisler transcrivit la première sous le nom de Danza española. Suzanne Demarquez analyse cette danse de la manière suivante: "Les violons attaquent la fameuse jota. Un thème soutenu de zapateado commence en La mineur, passe par différentes modulations, s'interrompt dans un court intermezzo avant qu'il s'introduise un deuxième motif d'une sonorité plus rude, avec un accentuation bien différente, à la manière d'un pantum qui permet une coréographie basée sur le taconeo (pesante ma con fuoco). Différentes nuances apaisent l'intensité jusqu'à l'apparition du 'allegremente'.

Parmi les presque cent transcriptions que ce légendaire violiniste lituanien réalisa, il y en a plusieurs qui sont de compositeurs espagnols. La oración del torero op.34 du compositeur sévillan Joaquín Turina fut composée originalement pour un quatuor de luths et adaptée plus tard pour un quatuor à cordes. Turina lui-même nous raconte la genèse de l'oeuvre: "Un après-midi de taureaux à l'arène de Madrid, cette arène vieille, harmonieuse et belle, je vis mon oeuvre. Je me trouvais dans la cour des chevaux. Derrière une petite porte, il y avait la chapelle, pleine d'encens, où allaient les toréadors juste avant de faire face à la mort. C'est alors que se manifesta devant mes yeux, dans toute sa plénitude, ce contraste subjectivement musical et expressif entre le brouhaha de l'arène, du public qui attendait la fête, et la dévotion de ceux qui, devant cet autel pauvre et plein d'une poésie touchante, priaient Dieu de protéger leur vie …" . L'œuvre commence par un pasodoble quintessencié pour continuer dans une atmosphère de lyrisme et recueillement profonds, uniquement interrompus par moments par quelques passages où le pasodoble revient orageux et dramatique.

Le violiniste espagnol Manuel Pérez Díaz, né à Motril en 1901, fut, à Madrid, élève de Enrique Fernández Arbós, qui, de son côté, avait été élève de Vieuxtemps et de Joachim. Ami de Manuel de Falla, présenta au public beaucoup d'oeuvres de Joaquín Turina, Jaume Pahissa, Gustavo Pittaluga et autres. Après avoir complété sa formation au Conservatoire de Paris et après s'être initié à l'interprétation historique, guidé par la claveciniste Wanda Landwoska, il émigra a Buenos Aires où il décéda en 1960. En 1946, la maison d'édition Ricordi publia deux de ses transcriptions et trois pièces originales pour violon et piano. Rumores de la Caleta op.71, no.6, de Isaac Albéniz fait partie des pièces pour piano "Recuerdos de viaje". Cette malagueña très connue fait alterner le rythme de danse présenté par la guitare avec le chant profond et fleurissant caractéristique de la musique populaire andalouse.

C'est surtout grâce à la collaboration artistique étroite avec le compositeur Karol Szymanowsky qu'on se souvient du violiniste russe-polonais Paul Kochanski qui fut conseiller et interprète de pratiquement toute l'oeuvre pour violon de ce compositeur. Les transcriptions de Kochanski ont souvent leur origine dans sa relation personnelle avec les compositeurs; dans le cas de Manuel de Falla, les deux réalisèrent en commun un concert à Bilbao en 1907. La Suite popular española est une transcription revisée et autorisée par le compositeur des Siete canciones populares españolas pour voix et piano. La Suite ne contient pas la deuxième des chansons, la Seguidilla murciana, et change l'ordre original. De Falla composa ses sept chansons à Paris, en 1914, juste après la première acclamée de La vida breve. A l'exception de Polo et Jota qui, apparemment, font partie du "folklore imaginaire", de Falla - d'après le témoignage de Justo Romero - "prend les lignes mélodiques littéralement dans le folklore les enrobant d'un accompagnement pianistique inégalable éxécuté avec perfection: derrière son apparente simplicité se cache un tissu harmonieux et rythmique extrêmement conscient et élaboré.

La populaire Danza ritual del fuego fait partie du ballet en un acte "El amor brujo" de Manuel de Falla (1919-1925). Elle se trouve stratégiquement au centre de l'oeuvre et sert d'encouragement à la gitane Candelas "pour qu'elle chasse les mauvais esprits" à l'heure de minuit. Kochanski fit aussi une transcription pour violon et piano de la Pantomima du même ballet.

Le compositeur, pianiste et professeur espagnol Joaquín Nin Castellanos fut né en 1879 à La Havane (Cuba étant encore province espagnole). Père de l'écrivain Anaïs Nin et du compositeur Joaquín Nin-Culmell, il étudia à Barcelone et à Paris, vivait à Berlin, Bruxelles et la Havane où il décéda. Il réalisa un travail important à faveur de la divulgation de la musique espagnole en donnant des conférences et des concerts dans le monde entier. Ses Cantos populares españoles, composés en 1926, sont un exemple très clair de son esthétisme nacionaliste basé sur le folklore español. Composés originalement pour violoncelle et piano, ils furent adaptés pour violon avec la collaboration de Paul Kochanski et dédiés à l'épouse de celui-ci. La Montañesa est un chant pur et limpide de la région du nord de l'Espagne, ressemblant à la pièce pour piano du même nom de Manuel de Falla. La Tonada murciana développe sa mélodie sur un motif ostinato du piano qui nous fait penser au dernier mouvement de la Symphonie espagnole de Lalo. La Saeta montre avec simplicité et recueillement la ferveur religieuse des fêtes de Pâques andalouses, et l'élégante Granadina fait alterner danse et chant avec un accompagnement bien particulier de guitare dont profitent et le violon et le piano.

La seule pièce de cet enregistrement composée originalement pour violon et piano, le Homenaje a Navarra op.102 (1945) de Joaquín Turina, est l'une des dernières oeuvres du compositeur sévillan. Troisième numéro du Ciclo plateresco, cette pièce étrange fut construit sur des mélodies du violiniste de Navarre Pablo de Sarasate - ses fameux Aires bohemios y Zapateado sont présents - enrobées dans le langage harmonieux très individuel de Turina.


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