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LE GABON

INTRODUCTION :

La musique traditionnelle gabonaise est aussi variée que la multiplicité des rites qu’elle célèbre. Elle accompagne non seulement les rites, mais aussi les actes de la vie quotidienne : travaux des champs, réjouissances profanes ou simples veillées (décès, cérémonies d’initiation). La musique fait donc intégralement partie de la culture gabonaise. Et les instruments qui permettent son exécution ne le sont pas moins. On peut distinguer quatre grandes familles d’instruments de musique traditionnelle. Il s’agit des aérophones (bouteilles, flûtes, calebasses, sifflet et cors de cornes), membranophones (tambour à friction, tambour à peau), idiophones (corporelles, percussions, grelots, cloches, hochets, clappement des mains), xylophones (balafons, sanzas) et la voix (gloussements, chuintements, sifflements, sifflements, jeux de gorge, sons à bouche fermée).
Dans toutes les régions du pays, le tam-tam est l’un des instruments les plus répandus. Car à la base de cette musique traditionnelle gabonaise, il y a d’abord et surtout le rythme. Aussi, l’harmonie de tous les autres instruments d’accompagnement, offre-t-elle une mélodie très originale avec le rythme syncopé du tam-tam à la base ; un style propre aux peuples du bassin de l’Ogooué et des environs.

Dans la musique traditionnelle, l’importance des paroles est déterminante. Même lorsqu’il s’agit des polyphonies, la nécessité du refrain est une forme d’insistance par rapport au thème de la chanson.

C’est avec la voix que le chanteur exprime ses sentiments et véhicule toute sa poésie. Mais comme partout dans le monde, ceux qui ne comprennent pas la langue utilisée dans une chanson, manifestent difficilement leur attrait. D’où l’importance de la musique et dans un sens plus large la chorégraphie.

Il nous semble d’ailleurs que la musique, la danse et les chants traditionnels sont difficilement dissociables, même s’il est bien connu que la voix humaine est un instrument de musique à part entière. Car par le corps, la respiration, la vibration des cordes vocales, et sans l’appui d’instruments élaborés, les peuples « Bantu » continuent jusqu’à nos jours à transmettre la beauté et la pureté d’une culture parmi les plus riches.

La musique moderne gabonaise

Les contacts entre musiques de l’occident et musique traditionnelle spécifiquement africaine - « Bantu » en particulier - ont mené à l’éclosion et au développement de nouvelles formes qu’on a qualifié de musique urbaine ou populaire, voire « musique acculturée ».

Musique acculturée parce que dépourvue de sa saveur originelle. Acculturée parce que dominée par une orchestration à base d’instruments occidentaux. C’est dire que l’ouverture des populations gabonaises aux nouveaux rythmes ne date pas d’aujourd’hui. L’adoption de ces nouvelles musiques a illustré divers aspects de la modernité de style issu d’un métissage avec le fonds traditionnel.

A ce propos, notons que la guitare, largement diffusée en Afrique, intervient souvent dans des expressions musicales d’origines traditionnelles. Parfois celle-ci est structurée et fabriquée localement. L’exemple peut également être élargi à l’usage de l’accordéon, par ailleurs très vulgarisé au centre et sur la côte du Gabon.

Si la guitare et l’accordéon ont longtemps été mis à contribution pour accompagner les musiques dites traditionnelles, on a rarement entendu un instrument traditionnel jouer de la musique « moderne ».

Toutefois, en 1993, avec l’album « Lembarena » réalisé pour célébrer le quatre-vingt-cinquième anniversaire du médecin-humaniste Albert Schweitzer, l’on a pu se rendre compte que la rencontre entre deux cultures pouvait conduire à un métissage musical de bonne prestance. La plupart des chants contenus dans ce disque ont été composés à partir de mélodies traditionnelles africaines et européennes.

Grâce à la double culture dont sont issus les auteurs Hugues De Courson et Pierre Akendengué, ce disque a fait découvrir à tous ceux qui l’ont écouté, la richesse et la diversité des musiques qui sont à la base des répertoires classiques africains et européens.

C’est par un retour aux sources musicales – essentiellement vocales – des peuples les plus ignorés du monde moderne que ce mariage a fait prendre conscience de la grandeur et de la force des capacités humaines dans l’expression musicale.

Dans les églises où cette expression de la musique moderne s’est manifestée à ses balbutiements, les chorales disposaient d’instruments traditionnels et occidentaux. Il est donc bien souvent arrivé dans la musique d’église que hochets, tambours et balafons prennent part au cérémonial.

Sortie des églises, cette musique sonnait plutôt latino-américain à des degrés divers. La Rumba dite zaïroise au Congo voisin, est ainsi née d’un mélange des rythmes folkloriques «Bantu» et des instruments occidentaux tels que guitares, saxophones et batteries.

Ainsi, parler de musique moderne en l’opposant à la musique traditionnelle peut paraître tout à fait légitime. Seulement, cette même musique moderne connaît une mutation extraordinaire, à forte tendance électrique voire électronique.

Devons-nous sans doute nous attendre à ce que la musique moderne actuelle devienne traditionnelle par rapport aux musiques de demain. Sans être pressé de pouvoir le constater, nous devons admettre que pour l’heure, c’est bien la musique moderne qui est une musique nouvelle.

La musique gabonaise aujourd’hui

La chanson moderne gabonaise s’est toujours rapportée aux thèmes de la vie quotidienne. En restant schématique, il est possible d’identifier trois grandes tendances: Les pionniers et grands classiques, les révélations des années 80 et les générations 90, partagés entre la variété et le mouvement « Hip-Hop ».

Dans la première tendance, certains auteurs compositeurs encore activité, apparaissent comme des pionniers et classiques incontestés : Pierre Akendengué, Hilarion N’Guéma, Vyckoss Ekondo, Aziz Inanga, Pierre Emboni, Chrsitian Makaya dit Mackjoss, Claude Damas Ozimo, Martin Rompavet, Pierre Claver Zeng Ebome, Ondeno Rébieno... la plupart sont souvent les seuls à être vraiment connus à l’étrangers.

La décennie des années 80 a enregistré une multitude de révélations dans le monde de la musique. Sans être de vrais professionnels de l’industrie de la musique et du showbusiness, ces révélations ont acquis une réelle popularité au fil des ans: Oliver N’Goma, Patience Dabany, Julien Nziengui Mouele, Makaya Madingo, Angèle Assélé, Angèle Révignet, Paola, Dominique Douma, Stéphanie Afene, Etienne Madama etc.

L’arrivée d’une nouvelle génération dans la tradition de la chanson gabonaise du début des années 90 à nos jours, a ouvert la voie à la variété et au «Hip-Hop». La percée fulgurante de cette tendance tient au talent d’une jeune garde qui compte dans ses rangs des noms comme : Stéphy Adia, Pimpin Anotho, Arnold Djoud, Annie Flore Batsiellilys, Christian Ayume, Landry Ifouta, Moughissi, Blandine Pemba, Nicole Amogho, Professeur ‘T’, Joseph Françoise, Nanette, etc.

L’exploration de ces trois grandes tendances nous donne une classification basée sur l’apparition chronologique de artistes sur la scène. Il serait en effet difficile de procéder autrement, tant il est vrai qu’en terme de style, les genres gabonais s’entrecroisent. Les répertoires des musiciens gabonais d’aujourd’hui sont autant de viviers à rythmes de tous genres, avec une multitude de registres.

Dans cette démarche, il n’est nullement nécessaire de montrer en quoi l’instrumentation est déterminante dans la mise en œuvre de la musique moderne. Toutefois, au-delà de la place de l’instrumentation dans la chanson gabonaise d’aujourd’hui, la voix demeure tout de même un élément clé dans l’orchestration des harmonies.

Dans ce registre, les femmes figurent parmi ceux qui ont le mieux capitalisé cet atout naturel. Des chanteuses comme Patience Dabany (inspirée par le rythme «N’Djobi» et les musiques pops) et Annie-Flore Batchiellilys, illustrent parfaitement cette approche vocale.

Pour leur part, les hommes, avec l’ancienne école, des Hilarion N’Guéma et autres Paul Ekomie, les thèmes tourneront essentiellement autour de l’amour, du social et de la politique. Mackjoss qui justifie également une longue carrière musicale dans ce registre, s’est par ailleurs taillé une notoriété de vétéran inoxydable. Et dans son sillage, des jeunes valeurs à l’instar de Didier Mombo et les Kodos se fraient une place bien méritée.

La chanson gabonaise a aussi ses poètes; ceux dont la musique sert effectivement de porte-voix. Pierre Akendengué est le chef de file de cette autre école dont la musique est essentiellement inspirée des rythmes traditionnels. Parmi ses continuateurs, il y a eu Prince Martin Rompavet, Ondéno Rébiénot, Pimpin Anotho, Yves Delbrah et Marcel Reteno…

Avec son «Rock-obisco», Pierre Claver Zeng Ebome a sans doute été un pionnier dans le genre, poursuivi par d’autres émules à l’image de Jean Louis Evoung, Pépé Nzé, Obiang Onkane et Prince Escey. Sous une forme plus «roots», l’orchestre «Mbala» de l’Université Omar Bongo a remporté un véritable succès avec son titre «Mvett 2000». Le trio «Vibration» quant à lui, révélé au public par la chanson «Elone» en 1997, a remis cette danse traditionnelle au goût du jour, à partir des chorégraphies modernes.

La famille musicienne gabonaise a des racines longues et des branches qui traversent les continents. L’une d’entre elles, Oliver N’Goma, fait dans un style qui n’est pas inconnu des Gabonais. L’ «Afro-Zouk», rythme inventée par les musiciens de la communauté africaine de Paris, sert de support aux chansons de l’un des chanteurs gabonais les plus en vue depuis 1990. Rappelons que la première a avoir expérimenté ce rythme à la fin des années 80, est l’ivoirienne Monique Seka, servie par l’arrangeur Cap-verdien Manu Lima. Sur ce rythme inspiré du «Zouk» antillais - popularisé par Kassav’ -, Oliver N’Goma chante exclusivement en langue Vili (sud ouest du Gabon). D’autres variantes telles que le «Zouk Kuteng» de Lewis Kessel et le «Zouk Shewing Gum» de l’orchestre «Mbala» constituent le deuxième tranchant du «Zouk» au Gabon.

La Rumba congolaise a aussi eu des adeptes au Gabon. Durant toute sa mutation, cette musique qui présente aujourd’hui plusieurs variantes (Kwassa-Kwassa, Soukouss, Mayébo, Nyékéssé, Kupépa, Etutana, Ndombolo et Zangulé), de nombreux Gabonais se sont essayé à ce style né entre les deux rives du fleuve Congo, au carrefour de la musique du terroir et des sons venus de Cuba.

Fidèle à cette recette, Hilarion N’Guéma s’est bâti très tôt une réputation dans ce registre de swings légers, des guitares et des cuivres, mêlés aux voix caressantes et tempos saccadés. A défaut de chanter en lingala - la langue de la rumba congolaise par excellence-, les langues locales se sont toujours bien prêtées à cette musique d’ambiance. Les Massako», ex-«Fag» de Mackjoss, «Evizo Stars» de Louis Ossavou, «Avé Stars» de Grand Téké-Téké Ambah, «Léco Stars» et «Club Iveva» en ont fait un véritable fond commerce. Sous les rythmes saccadés et d’interminables cris de joie, ces groupes ont enchaîné succès sur succès.

Au Gabon, le mouvement «Hip-Hop» s’est aussi trouvé une voie, surtout auprès des jeunes à la fin des années 80. Au tout début, les textes des chansons «Hip-Hop» au Gabon exprimeront la révolte pour revendiquer une société plus juste. Le groupe «V2A4» (prononcer en anglais «Vis tout et fort») sera le premier à s’essayer sur ce tempo qui ne fera pas toujours l’unanimité auprès des adultes.

Ce rythme venu des Etats-Unis va finir par gagner la sympathie de pas mal de mécènes au point qu’aujourd’hui, les productions «Rap» réalisent les meilleurs ventes dans les bacs des discothèques. Aujourd’hui, outre les groupes «Mauvaise Haleine», «Hayoe» et «Raaboon», les férus du «Rap» gabonais peuvent aussi compter avec Professeur «T», révélé au public gabonais par la compilation «Bantou Mix» en 1998.

Si depuis quelques temps les artistes gabonais se font de mieux en mieux connaître et accepter par leur propre public, il leur est cependant difficile de lutter contre le succès des musiques d’ailleurs. Il est vrai que les œuvres discographiques produites au Gabon sont moins accessibles, plus par leur coût élevé que par leur qualité.

Ainsi, à charge de revanche, la chanson gabonaise voudrait aussi partir à la conquête des publics lointains. C’est sans doute pourquoi des personnalités telles que «l’Afro-zoukeur» Oliver N’Goma, la chanteuse de variétés Patience Dabany remportent respectivement un grand succès, mais très localisé aux Antilles et aux Etats-Unis.

L’avenir de la musique moderne gabonaise dépend aujourd’hui de la volonté réelle des responsables politiques ainsi que la capacité des artistes gabonais à se doter d’un organisme indépendant de perception et de répartition des droits d’auteur. Cette démarche dépend aussi de la capacité des artistes à pouvoir harmoniser leurs actions en vue de se faire entendre auprès des autorités.

Cette structure devrait cependant tenir compte de certaines réalités propres au contexte gabonais (faible population, faible pouvoir d’achat, réseau de distribution inexistant etc.). C’est une question prioritaire à laquelle les actuels conseillers du Président de la République aux Affaires Culturelles (Pierre Akendengué, Makaya Madingo et Vyckos Ekondo) devraient accorder la plus haute attention.

Après 50 ans de parcours, durant lesquels la musique gabonaise a quasiment sous exploité son riche héritage culturel au profit des rythmes venus d’ailleurs, le temps est venu de la réconcilier avec elle-même, avec ses ancêtres de la grande forêt équatoriale. Puisse cet appel être entendu par tous ceux qui, de près ou de loin, contribuent à adoucir davantage nos mœurs, au lendemain de notre entrée dans le 21ème siècle.


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Instruments traditionnels :

Chants :

Gloussements, chuintements, sifflements, jeux de gorge, sons à bouche fermée

Danses :

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Contes musicaux pédagogiques :

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Et maintenant, à vous de jouer !

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